Extraits de Callichaos (recueil de poèmes Partie 1:1999-2007 - Partie 2 : 2007-2011)
Partie 1
NOYADES
A fleur de peau,
A contre courant,
Le souffle coupé,
Je peux voir à travers l’eau,
Le ciel serein, si grand,
J’avais juste perdu pied.
Ton onde de choc m’a mis du vague à l’âme…
Noyade
Contraint de la laisser s’enfuir
Les larmes brûlées par le sel
Mon cœur n’est plus qu’un battement,
Mon visage, infinie douleur,
M’attitrant inlassablement,
Aux entrailles des profondeurs.
Et je t’avais remis les armes,
Et puis hissé pavillon blanc,
Je n’avais pas cru au charme,
Que de regrets j’ai maintenant !
Qu’importe j’en sortirai libre !
Qu’importe j’en sortirai fier !
Riant de ma vengeance ; Vivre
Ou porter tes vagues en Enfer !...
Un-flot-de-pensées,
une lame de fond
E c l a t e
et ça résonne
dans le mélange écumeux
qui en résulte rien de cohérent.
Tout ce qui passe par-dessus bord et coule à pic…
Je garde cette seconde de clairvoyance et cette conviction intime pour les jours de dérive
Je garde ce brouillard le doute et sa fêlure pour les instants de certitude
Du tremblé de la pensée s’extrait peut-être un vague goût de (ma) vérité
Je suis faite pour tanguer
et mon âme pour avoir le roulis
Ou se morfondre
Je pensais être un poisson trop malin pour les mailles de ton filet
- un poisson lune -
Et maintenant je frétille sur un ponton tout encrassé
Chaque bouffée d’air peut me tuer
Je suis une femme-poisson (lune) qui ne survie que dans l’air aqueux de mes rêves et de mes illusions
Femme-poisson (lune)
Aux racines rhéophiles
Aux nervures cryptiques
[Rire de nos déraisons]
Un poisson (lune) dans le ciel de mes vingt-deux ans
il se noie …
GRIFFURES
Tu peux griffer mon cœur entre les sillons des blessures anciennes.
Quoi ?
Quand il sera tout à fait rogné,
la Paix enfin –
Ça me croche au cœur et ça rouille
« et fixer son sillage, se souvenir d’où l’on vient »
Sillage
La surface n’est pas lisse,
Les pales de fer inoxydable
L’ont raturée, ont rompu l’harmonie.
La surface n’est pas lisse,
Les pales de fer de l’ineffable
L’ont griffée, ont dissout l’alchimie.
La surface n’est pas lisse,
Depuis la dernière escale
Depuis le ponton et jusqu’ici.
La surface n’est pas lisse,
Et cette douleur insondable,
Y creuse les sillons de l’oubli.
La surface n’est plus lisse,
Ni sur la mer,
Ni sur leur cœur,
Pourtant l’écume s’efface déjà…
][
Comme des parenthèses à l’envers j’ai cerné ton parfum mais pas ton odeur
Comme des parenthèses à l’envers tu as ouvert la brèche
Comme des parenthèses à l’envers qui font penser à l’infini
Comme des parenthèses à l’envers sans que les énigmes ne se résolvent
][
Encore je m’écorche à toi je ne veux pas être indemne
Je pleure mais ne cherche pas de preuve lacrymale c’est une litanie intestine qui a l’aigu du silence et la gravité du vide
Des couleurs mouvantes
partout
– rassurantes –
brûlant mes rétines accoutumées à la noirceur de mon âme
–
comme les premiers rayons du soleil le matin quand on ouvre ses volets
anesthésie locale du palpitant
grande envie de soleil
m’en envoyer en intraveineuse
Prophétie : « Un tourbillon à l’envers
un souffle
qui remet tout en place
l’éparpillé, le disloqué
et les brisures »
LÉGERETÉS
Et on fichera tout en l’air parce que c’est plus beau quand on lève les yeux au ciel…
Il déambule, joli funambule sur son muret de pierre.
Sa feuille à la main drôle de pantin sur ce muret austère.
Il murmure des lignes, les murmure encore.
Il a l’air si libre ; Libre ! C’est son tort.
Car l’est-on jamais ?
Par son trouble reflet dans l’eau trouble de la mare en contrebas
: poursuivi
Par mon intruse mémoire où son image furtive se sublime déjà
: poursuivi
Parfois la nuit elle se confie à la lune.
L’astre l’écoute, la berce et la console.
Elle respire l’air d’effluves plein d’agrumes,
Plus rien n’est amer soudain le reste s’envole,
Très loin, très haut, ailleurs ou là-bas; autre part et
Les nuages de ce superflu sont gorgés.
J’ai fait le choix de te revoir
Je laisse à son sort le hasard
Comme s’il n’était plus trop tard
La nuit est naïve aussi. Le soleil s’ingénie à se coucher pour la faire trébucher. Elle tombe à chaque fois dans le piège.
Mon charabia et moi
on s’écrira des histoires à se réveiller assis en plein midi au milieu d’une mer d’huile d’amande douce_____________
Suspendons nous aux points qui s’exclament et se circonflexent sur les i finaux.
Je décroche de la terre ferme et je m’agrippe à ce qui passe dans mon ciel et qui gravite _ chute ascensionnelle
Chanson mélo du marin triste
Il était un marin
Qui croyait au destin
Comme toi ou moi
Mais il avait dans l’regard
Dansant mille vagues noires
Dis moi pourquoi
Et la mer si cruelle
Qui nous lie me rappelle
Si loin de toi
Qu’y a t-il de plus dur
Que le bleu de l’azur
Entre toi et moi
J’épingle les gris-gris sur mon épouvantail à cauchemars
Je remonte la boîte à musique
J’épice l’air de poudre de perlimpinpin
Je clos les paupières des fenêtres
Puis je scelle les passages secrets des gargouilles et des chimères : armoire, tiroirs et boîtes à chaussures
Dors petit lutin,
La forteresse de ton sommeil est imprenable.
CORPS-GESTES
Si tu peux ravaler le mauvais goût dans ma bouche. Ravaler le mauvais goût de ta bouche.
Je suis un corps effaçable : je ferme les yeux.
Je suis un corps de gestes absurdes répétés à l’infini _ou presque
Ma condition humaine matérialiste jusque dans l’âme qui s’attendrie pour sa pauvre carcasse
Quel est ce détour de mon être par ce corps étranger ?
Ce que je veux
qu’il te
reste de moi
ce je ne sais quoi
que le goût de l’écume
abandonne
au sable
à
peine
une
empreinte
-
l’envie
et
la
place
de
t’inventer un monde
Au front,le voilà qui s’esquisse -
Aux yeux du monde invisible sfumato
Aux commissuresdes jours là où le temps se tient en un point flou.
Au sein même du chaos des conglomérats
A la taillede nos rêves déchus, éclatent
Au pied du vide subsistent leurs cendres.
Zoomer sur un grain de beauté du temps
LIGNES DE FUITES
Déjà mon âme reprend le large déjà elle fuit les ports d’attache et la raison
*Qui me poursuivent
La nuit, inquiétante, s’est découverte un peu,
Et, pudeur, met son voile qui brille de mille feux
Et moi, haletante, troublée, je cours
Mais elle heurte mon esprit, il fait si lourd,
Mes défauts me font face, je crie, personne
Ne m’entend, je fuis les âmes et les fantômes*
Si même le monde se désartificie saurons nous le voir
?
Le monde est flou quand je tournoie ainsi et je sens à peine le sol sous mes pieds. L’enivrement qui s’empare de moi alors, je le sais, est éphémère, je connais son onde de choc, la sensation grisante qu’elle provoque en retour. Je la redoute, un peu comme l’ivresse des profondeurs. Mais elle m’inspire.
Je n’existe vraiment que par ma folie où rien n’a prise sur rien dans les retranchements mêmes où tu ne peux m’atteindre – où toute finitude implose
Et un beau jour la voie des damnés s’offre à vous
Comment délivrer ma pensée prostituée aux carcans de ma langue ?
J’attends que le ciel soit assez gris délavé pour avaler le mur d’en face.
Ma mémoire
est une artiste
Qui sublime
Par palimpsestes
L’histoire de ma vie
La vie de mon histoire
Quelle forme pour cet infini ?
Les lignes de fuites dans mes mains
m’envolent par delà les temples engloutis
ponts et jardins suspendus à un fil
qui s’étiole
et se retisse en cette seconde de fulgurance
Les lignes de fuites dans mes mains
m’envolent par delà les arcanes de l’être
et ses ossatures de nacre
dont il ne saurait se satisfaire
et qui craquèlent
sous le joug des paradoxes
Les lignes de fuites dans mes mains
m’envolent par delà les friches surréalistes
Dali le désert l’épave et le spectre
Breton les oiseaux qui changent de forme avec le vent
Tzara l’homme approximatif la lune s’est recroquevillée en lui
il était la nuit entière
La nuit dont je ne reviens plus
Lire tes mots : rugissent en moi des voix éclatent des couleurs flux de lumières évanescentes bordel chaotique et poétique atteinte à mon être averse composite déchirures de mon imaginaire
Arrière
Pensée
Arrière
Pensée
Le silence est partout mais jamais dans ma tête
Le jour où je n’écrirai plus
Le jour où je ne t’aimerai plus
Je me demande si c’est pareil
Le jour où je n’aurai plus sommeil
En partant mon amour pourrais tu fermer la porte
En partant mon amour pourrais tu faire en sorte de desceller le pacte tacite de notre histoire…
RÉPLIQUES
Un silence c’est une discussion entre un prophète sans message et un utopiste sans idéal
Pourquoi la nuit si sombre, le soleil si cru ? Que doit-on entrevoir dans ce contraste ?
Puiser à la citerne l’eau des pluies qui a dilué le ciel des idées
Sous la plus tropicale des serres
je regarde germer mes idées
De nos terres d’exil on ne revient pas tout à fait...
Où s’en vont les nuances de la vie quand on y met des mots ?
A l’ombre de ton corps, la silhouette de la nuit
2e partie
Regarder l’Infini dans les yeux
Le plein s’évide
Le vide se plaint
Je dérobe les paysages filants dans tes yeux qui tressaillent
Je me demande s’ils ressemblent à ceux que je ressens
L’arrête d’un building me coupe net
La goutte de sang qui s’en échappe
Est gorgée de cet océan que nous quittons
Ça brûle
Et vois-tu le même ciel
Celui qui ne se lasse pas d’être suspendu
Ma bouche s’allume - s’éteint
Au gré d’un rayon sur la vitre
Bouche sur montagne
Bouche sur forêt
Bouche sur ville
Bouche qui fait la moue
Une bouche sur un décor du Monde
Pourrait-elle l’avaler ?
Que pourrait-il en sortir de grand ?
Ma bouche s’allume
S’éteint …
Je bois au goulot
D’étranglement des
Villes
L’amertume
Déposée par les pluies
Aux fenêtres
Auxquelles plus personne
Ne s’attarde
Pour regarder le ciel
À trop regarder le ciel à travers la fenêtre on en arriverait à croire qu’il a des salissures
Tant que
l’idée du Sommet
Subsiste
Au grappin
A mains nues s’il le faut
Sur les pentes rocailleuses de
l’Affranchissement
Ailleurs
L’Ailleurs a sur ma langue un goût fugitif dont je ne saurai me rassasier
Prière pour que le vent d’Afrique décape mon cœur de ses écailles de suffisance
C'est ma peau qui colle à la terre – rouge - qui est un peu ma peau – ma peau intérieure, argileuse – qui se demande où elle finit et où commence le monde.
La peau – étrange frontière – moite – et brûlante aux paupières – frontière à l'unité des hommes – donc fausse frontière comme toutes celles que nous dressons – matérialisée par les croyances des hommes et de leurs peaux.
Cette peau comme un étendard que l'on voudrait pouvoir affaler à désir - fardeau du poids de l'Histoire qui te poursuit – et tu roules ta peau comme Sisyphe sa pierre.
La forêt réversible
entre ses yeux
voit passer des idées
battues comme des ailes de colibri
, et l’hiver ,
des symboles en feu.
On devine par la fenêtre
qu’il n’y fait jamais froid
ni silence.
L’Animal – Le clandestin
Je range l’animal dans ma poche zippée
Et souris sans montrer les dents
Esprit Clandestin d’un Corps Nomade
qui perd trop de temps à se tailler les griffes
Pieds Nus Pieds Nus Pieds Nus Pieds
De Nez
Aux bien chaussés
Il n’y a pas de terre qui ne régénère
Mes racines plantaires
Pieds Nus Pieds Nus Pieds Nus Pieds
De Nez
N’en déplaise aux beaux souliers
Nés,
avec dans la bouche une petite cuillère en argent
On nous a juste appris à serrer les dents
Dans ma course éraflée
Aux branchages
J’oublie :
(de reprendre mon souffle)
qui me poursuit
qui est ma proie
C’était à l’étal du ciel
( Cet état laital du ciel )
de l’esprit je balaie les poussières de soucis j’aspire à la paille la couleur de l’écume de ce jour si joyeux pour le reste du monde que je repeins en roux-libre je m’élance en ombre chinoise sur le fil tendu de l’horizon funambule si désinvolte que je donne le vertige au vide
de l’esprit j’engloutie la routine sous des flots indomptables je me dessine un rafiot sur mesure et je prends les quarts de nuits je gomme les hauts fonds et le triangle des Bermudes dans mes poumons le vent du large le vent du large le vent du large le vent du large le vent du large le vent
la marée est pleine
la lune est basse
et moi je bois la tasse
trace de
je ne laisse même pas une trace de buée sur ton coeur une trace de pas sur la vitre une trace de sang sur la boue une trace de craie sur ta bouche une trace d'infini sur le tableau une trace de crayon sur le ciel une trace nuageuse sur cette feuille une trace de lutte dans mon rimel une trace de pleurs sur tes poignets une trace de passage sur la nappe une trace de café sur nos vies ...
qu’est-ce que la beauté d’un vol de mouettes sur ma page blanche comme un ciel d’hiver ?
La voie des Damnés
Mets le bâillon
Sur mon âme
Harnache mon orgueil
Et mon sein meurtri d’amazone
Terrasse encore l’Érin
Crève aussi le ciel
Hélas le sable du destin
Recouvre déjà nos ardeurs
Inouïes Inhumaines
En tout point innommables
À la bouche des ingénus
Terrasse encore l’Érin
Sois celui par lequel m’étreigne une mort immortelle
J’ai du venin dans les veines
Depuis le malt de ton haleine
on aura noirci nos mains
et rendu calleuses
et presque insensibles
on aura noirci nos cœurs et rendu calleux
et presque ...
on aura noirci nos bouches
noirci nos salives
et nos intestins (nos pensées intestines)
nos idées
idéaux
je me lave les mains
mais que faire du reste ?
J’aime à penser que les champs de désolation intérieurs ont des frontières ouvertes sur les terres d’abondance.
Je déchire mes nuits puisqu'elles ne sont que papier de soie froissé et images délavées de nous et de nos grandes idées qui nous tordaient le ventre nous asséchaient la bouche
nous nous sentions vivants
Plus je déchire plus il en vient
et le jour a à peine le temps de se tisser que déjà il s'effiloche
et je déchire encore
je déchire avec mes mains
je déchire avec mes ongles avec mes dents
je déchire avec mes yeux
et parfois en une heure tardive j'en sauve un morceau je le pose sous mon oreiller ou contre mon sein et je redessine les traits réinvente les couleurs et me noie dedans
je
nous
noie
dans une lumière sublime
je nous noie et
.
.
je m'endors
Et l’on croyait nos peurs depuis bien longtemps ingérées
Les ancestrales
Les enfantines
Les quotidiennes
Et l’on tenait debout droit comme des « i »
Des id’Histoire
Des ide Vie
Des ide Liberté
Factices
Nos peurs nous digèrent lentement
Et si nous ne les affrontons pas d’abord
Elles nous recrachent démunis
Réduits en êtres rampants
Sur le pavé de l’Ignorance et de la Haine
Complices à notre tour
De crime
Contre
Les infinis positifs potentiels
De
L’Humanité
Ma vie sera
misérable
entends moi : misérable à ce mot tu frémis tu restes au bord de tout
à regarder les rails sabotés
comme on veut fixer le vide
(je proclame la misère)
le renoncement
à notre Gloire
une matinée d’automne même pas à ciel ouvert
dans cet air saturé
n’aie pas peur
c’est le deuil d’une chimère ne sens tu pas
la grandeur
Au-delà
J’adore le poète
Oui j’adore
le poète
Et je l’abhorre
Oui
j’abhorre
le poète
car au mieux il est muet devant cet amour mystique qui nous emporte nous démunie nous transcende nous dépasse nous fait exploser aux limites et aux angles
au pire il s’essaie à de mauvais vers
Oui j’adore le poète
Du plus haut degré et des plus hauts sommets de ce Verbe
Et je l’abhorre tout autant
car quand avec la même intensité le même emportement la même absurdité la même disproportion
le ressac de cet amour vient nous briser les os nous déchiqueter l’âme
il renaît à travers les déchirures les cendres les déchets organiques et carcasses abstraites
il absout la douleur
il extrait la lumière du plus sombre du plus obscur du plus terrible du plus malsain de l’indicible
Je reviens sur le chantier de tes dernières heures. Je te tiens la main au moment où la peur te saisit. Et du regard je bois la noirceur pour qu’il n’y ait pas d’ombrages jusqu’aux terres de ton asile.
Et je te murmure cette promesse au nom de ceux qui t’aiment : avec ton Idéalisme, nous vivrons.
Me
Meurs
Meurtri
Meurtrissures
Pourvu qu’un ressac
Nous enlève l’Amertume
Au coin des lèvres
Le présage s’éteint - j’irai rogner les mots jusqu’à la moelle jusqu’à la fureur de la lettre jusqu’aux nerfs du trait au saignement du son et l’étincelle renflammera les corbeaux charognards les corbeaux charognards renflammeront le ciel le ciel renflammera l’infini – le présage demeurera éternel
À peine tombé du nid je me cogne au plafond
O.E.N.I*
* OBJET ÉCRITS NON IDENTIFIÉS
On néglige trop souvent
Le vertige des poissons-volants
Il s’empara de la plume cataleptique d’un hipogriffe (qui fut pourtant prolixe)et comme son cœur ne renonça pas devant la torpeur il réussit à la faire voler elle imprima l’air poivré d’idéogrammes révolutionnaires