Digtets Ånd (l'esprit du poème)
Oeuvre collaborative conçue pour le dixième numéro de la revue danoise A little less conversation. Les lecteurs peuvent y trouver une enveloppe timbrée à mon adresse et sont invités à y glisser ce qu'ils désirent. En échange, je leur adresse un poème "dans l'esprit" de leur envoi.
Ici je retranscrirai uniquement les textes des poèmes en version française.
Pour un aperçu des contenus des enveloppes reçues, de la forme que les poèmes ont pris, se reporter au site de la Maison d'édition danoise Arkiv for Detaljer (Archives pour les Détails) sur lequel on trouve les poèmes en versions française, danoise et anglaise : ici.
Vous souhaitez participer ? Envoyez moi un courriel et je vous expliquerai comment.
I
Pour Asger, Yoko & le ciel
Le ciel est dans le poème.
Le poème est dans le ciel et dans le poème.
Le ciel est dans le poème et dans le ciel.
II
Pour Rasmus (sur papier toilette)
FRONT DE LIBÉRATION DU POÈME
par déchirure
par combustion
par chair
par geste
par souffle
par voix
....
Les poèmes appartiennent aux livres
comme les panthères appartiennent au zoo
ou
Les poèmes se trouvent dans les livres
comme les panthères se trouvent au zoo
[ tcsh yeah ]
(sache et sens)
(suis je claire)
(aube hivernale capitale)
(sombre)
(asphalte en gouttes)
(tac lettre)
III
Pour Mia
L’instant n’est ni repris ni échangé.
L’instant est valable à la date et au créneau indiqués.
(Je m’en tiens aux faits.)
Le rivage est déplaçable
pierre par pierre.
(La poésie peut-elle s’en tenir aux faits ?)
IV
Pour Daniel
*Écouter une lecture du texte en version vidéo pour le Pop-Up-Poetry de NoxLit : ici
V
Pour Inger
(le poème original est en danois)
J’AI ECHOUE A ECRIRE UN BON POEME SUR CELA.
MAIS JE PEUX VOIR LE POEME DANS CELA.
BIEN AU DELÀ DES APPARATS DE L'APPARENCE;
VI
Pour Viggo et Cristina
VII
Pour Catherine (sur un puzzle vierge)
Une cavalerie à contre-jour
Je passe une porte - un cadre – il y avait un mur là avant, il fallait l’ouvrir au lieu de s’y cogner ou j’étais le mur sur lequel elle se cognait, décidons de l’appeler porte voilà la magie, voilà le truc, quelque chose pour agrandir le monde, une sorte d’échafaudage sur la réalité – une rénovation – il y avait un mur là ou alors était-ce un miroir et je me suis changé en porte et le mur est passé voilà la magie voilà le truc
Voilà une proposition un poème un pont en épingle à nourrice à cheveux à pointe cassée un poème pour se promener un poème pour l’errance pour un bout de ficelle vert qui s’enroule et nous fait penser à des forêts traversées qui nous font penser à une lettre déchirée un puzzle un labyrinthe avec toute une cavalerie dressée à contre-jour d’un nuage en papier c’est un poème qui aura du mal à tenir ensemble prêt à s’ouvrir comme un sac de billes ayant renoncé à épingler le papillon au vol pour ne pas entraver le mouvement la toile d’araignée de l’expérience se prend partout une goutte d’eau soufflée sur la page du monde qui fait des œufs brouillés de lumière voilà ce qui cherchait à être nommé ça sent le papier d’Arménie ça sent sans doute le papier coupé en deçà l’imperceptible est sans doute ce qui nous entoure le plus le vide ce qui nous constitue le plus le vide, le silence au lieu de les travestir pourquoi ne pas les emmener se promener ailleurs, dans un poème leur montrer qui nous sommes comme une possible métamorphose une réincarnation sans mort du vivant des bouts de ficelles qui s’enroulent sur eux-mêmes qui font penser à des forêts traversées ou à des moulins qui brasseront le malt pur du rêve qui font penser à toute une cavalerie fièrement dressée à contre-jour de guerres du bronze et de la pierre en souvenir du sang mais vers où galoperaient tous ces chevaux désépinglés de leur piédestal vers quel paysage quel Avalon cette chevauchée finale à quelle allure avec quelle force ils arracheraient leurs sabots de leur socle du puzzle du monde ces pièces manquantes des lacunes à contre-jour de nuages en vol qui font penser à
Voilà une proposition un poème effaçable un pont un mur une porte inachevé miroir à pousser armatures apparentes à saisir au vol ou à laisser papillonner chevaucher
*Écouter une lecture du texte en version vidéo pour le Pop-Up-Poetry de NoxLit : ici
VIII
Pour Klara
Le retour de la cavalerie
l’enfance n’a plus de visage
seule la hauteur des choses
la hauteur depuis laquelle les choses nous regardent comme des clochers
la blancheur éclatante de nos vêtements
et le dilemme – salir ou renoncer à vivre –
la pommade de la lumière
qui a parfois la qualité des larmes
le potentiel de la main
quelle empoignade quelle caresse quelle cueillette
l’origami des ciels
de corps contre lesquels on s’appuie
le refuge provisoire d’une cavalerie exaltante
de plastique, d’imageries, de mots inconnus jusqu’à lors
*Écouter une lecture du texte en version vidéo pour le Pop-Up-
Poetry de NoxLit : ici
IX-X
Pour Tine et Cédric
Scalp du ciel
Prière d’insérer
Toute la douceur du monde
Toute la chaleur du monde
Une assonance en joie pour une voyelle soliste*
Ces choses rêvées avant de savoir qu’elles existent.
La matière de rêve tout autour, un coton invisible.
Portrait d’un jour avant qu’il ne s’achève…
…et pas le portrait parce que j´ai compris
mais parce que quelque chose se transforme, quelque chose demeure incertain,
et parce que quelque chose flamboie…
Et je sais bien que le réel nous a mis tous ses chiffons devant les yeux.
Je sais bien que nous ressentons tout à travers le formol de nos sens.
Mais il semble que le blé parfois répond à l’aube, répond au sable; qu’une grande conversation a lieu dans une infinité d’échelles, infinité de formes, infinité de langues…
XI
Pour Mads et Maiken
CECI N’EST PAS UN HAÏKU
Not another 5-7-5 ou un Haïku qui a mal tourné
Parfois
la vie
est un tacle glissé sous la pluie.
Et même si
la vie
est un tacle glissé sous la pluie,
et même quand
la vie
est un tacle glissé sous la pluie,
tenir.
Parfois
ceux que l’on aime
ne reconnaissent pas notre visage.
Et même si
ceux que l’on aime
ne reconnaissent pas notre visage,
et même quand
ceux que l’on aime
ne reconnaissent pas notre visage,
tenir.
C’est une question existentiellement syntaxique
syntaxiquement existentielle.
Comme
il y a
peut-être
un empire
avec d’autres signes,
un domaine
sous un autre nom
où la douleur
n’a pas d’entreprises
n’a pas de visa.
A-t-on pourtant jamais
fini d’être
touriste, d’être
client, d’être
patient, d’être
consommateur,
de se sentir
comme un arbre
au format papier
travesti
en arbre,
l’ombre de l’écorce de soi-même…
Parfois
toutefois
ceux que l’on aime
reconnaissent notre visage.
Parfois la vie est un tacle glissé au soleil d’après la pluie__________________
XII
Pour Cindy
(version originale en anglais)
I crawled in a person´s papers
swallowed its hurricanes
I was just there for the sightsea
for the sake of the sight
for the sake of the sea
inside of a human being
where the frequencies are not yet
voice in the void
before this explosion
all those waves
all those vibrations
in the outer world
it is not because it is quieter down here
it is not like you can see
that it ends somewhere
you know shapes are shapes
and I will not venture to talk more about it
shapes are shapes
can ideas claim the same?
but don´t leave me in a golden spiral
you Fib
I want to grow anarchically
Fuck the formula up
Don’t hide the dirt under the carpet
I know harmony is tempting
but I’m not that kind of poem
no no no no
(version française)
J’ai rampé dans les papiers d’une personne
dégluti ses ouragans
j’étais seulement là pour la vue sur la mer
seulement là pour la vue
seulement là pour la mer
à l’intérieur d’un être humain
où les fréquences ne sont pas encore
voix dans le vide
avant cette explosion
toutes ces vagues
toutes ces vibrations
dans le monde au dehors
ce n’est pas que ce soit plus paisible ici
ce n’est pas comme si on pouvait voir
que cela finit quelque part
tu sais les formes sont des formes
et je ne vais pas m’aventurer à en dire plus sur le sujet
les formes sont des formes
est-ce que les idées peuvent revendiquer la même chose ?
mais ne me laisse pas dans cette spirale d’or
toi Fib´
Je veux grandir anarchiquement
fais foirer la formule
ne cache pas la crasse sous le tapis
je sais que l’harmonie est tentante
mais je ne suis pas ce genre de poème
non non non non
XIII
Pour Victor
Poème sans OGM fait main de plein gré par un poète élevé partiellement en plein air
Produit en UE.
Empreinte carbone limitée.
Peut contenir des traces de rage et d’ignorance.
CECI EST MON CORPS
buvant l’amertume non filtrée d’une fiction
se payant une nuit à Versailles
en lettres d’or
(j’ai les moyens)
CECI EST MON CORPS
dans sa satiété et sa graisse occidentale
et vraiment qu’est-on sans sa faim
quand les formes s’estompent
CECI EST MON SANG
et le sucre bio de mon diabète
dès le berceau des brumes marketing
de l’aurore en robe de safran
l’aurore aux doigts de rose
l’Iliade et l’Odyssée
du consommateur contemporain
pour son pain quotidien
CECI EST MON CORPS
parmi tous ces corps temples
livrés à tous les vents
des néo-gourous néo-slogans
ton geste santé du matin
le goût des choses simples
la vie à pleines dents
un aphorisme yogi dans ta tisane
ta boulimie du soir
à deux doigts de la perfection enfoncée dans la gorge
CECI EST MON CORPS
et l’étendard de mon panier de courses
et les prénoms et les visages de fermiers recyclables sur des emballages souriants
ce que l’humain met dans le corps de l’humain
des illusions cannibales enfantant leurs pareilles
quelle sorte de poussière on fera
CECI EST MON CORPS
mon corps est ceci
mon corps
est
mon corps
est
ce
mon corps
ma poussière
XIV
Pour Simone
poème en tutu
A lire : ICI
XV
Pour Eske
Toutes nos saisons
Tous ces fruits.
Tous ces fruits d’été qui font ployer les arbres.
Tous ces fruits, cette chaleur, qui font presque ployer l’âme.
Et cet amour, quelle sorte de fruit est-ce au juste ?
La vie donne, la vie prend ; aujourd’hui la vie donne.
La vie donne une leçon d’abondance.
Les mains pleines – il en faudrait mille.
Les chairs rassasiées, demandeuses encore.
Le trampoline sous le cerisier.
Tout ce qui s’est passé entre la fleur et le fruit.
Tant de ramifications aux branches du Possible.
Le ciel funambule sur la slackline de l’horizon.
Ceci est notre tremplin, notre table, notre lit aussi.
L’été notre saison.
L’automne, ici les feuilles tombent, là dans ce chaparral on récolte le safran.
L’eau pâle
de nos désirs
en cet hiver
caniculaire
charrie
avec peine
le sel de
nos tourments
la vie donne
la vie prend
aujourd’hui
la vie prend
la vie prend
la forme
de la suture
là où
le fruit
un jour
a mûri
a pendu
est tombé
comment
ligaturer
une douleur
fantôme
?
Le-printemps et-puis ça-recommence, le-rire des-idiots.
.
.
.
Toutes nos saisons, jadis si je me souviens bien…La vie donne, la vie prend, c’est le même mouvement. J’ai donné et j’ai pris pareillement. Chaque ici est un lointain là-bas. Chaque lointain est un ici pour quelqu’un. Toutes nos saisons, et à celle qui conviendra, je mettrai les voiles. J’exilerai le félin de mon cœur – cette espèce en voie de disparition - dans une autre baie des anges. Je ferai sécher mes plaies, à cieux grand ouverts, lentement, comme des pistils rares prélevés au centre de fleurs stériles, qui deviendraient plus précieux avec le temps. Au bout du compt- oir, des saisons et des sal-aisons - à une certaine di-stance - nous voilà silhouette parmi les si-lhouettes ; l’ombre ne fait pas cas de la tessiture des cassures. Silhouette parmi les silhouettes mettant un poing d’honneur à taper plus fort que les alcools sur le zinc encéphalique. Pour enfin transpirer cette note de fond entre la rage et la tristesse. La sudation, béquille alchimique de certaines choses sans nom ; son âcreté, iné-dite perspective sur le su-ave et le ten-dre dans l’ar-mature de l’âme. C’est le même fruit, mûri, ramassé, mordu, mâché, digéré, perdu et gagné à jamais ; le même mouvement, le même ping-pong, toujours la même saison. La vie comme oxy-more de la vie.
XVI
Pour Marie L.
et pour la constellation de visages amis qui illumine mon chemin quand il fait sombre et étroit
(version illustrée : ici)
ami(e)
le vers vient en ressac
étroits sont les vaisseaux
le roulis ne passe pas
étroits sont les vaisseaux
le cœur est un étau
étroits sont les vaisseaux
les fleurs séchées friables
étroits sont les vaisseaux
j’ai oublié l’ailleurs
étroits sont les vaisseaux
mais ce n’est pas une délivrance
étroits sont les vaisseaux
tu veux me parler du ciel
étroits sont les vaisseaux
de la pulsation d’une étoile
étroits sont les vaisseaux
d’un phare cosmique
étroits sont les vaisseaux
de l’île au long nuage
étroits sont les vaisseaux
je peux parler du sel
étroits sont les vaisseaux
fleurissant en fond de cale
étroits sont les vaisseaux
sur les bastingages
étroits sont les vaisseaux
du tranchant de l’étrave
étroits sont les vaisseaux
ami(e)
le roulis ne passe pas
étroits sont les vaisseaux
le ressac, le ressac,
étroits sont les vaisseaux
pourtant ta voix
étroits sont les vaisseaux
aimante mon cœur
étroits sont les vaisseaux
vers les constellations
étroits sont les vaisseaux
replante mon cœur
étroits sont les vaisseaux
dans les constellations
étroits sont les vaisseaux
tout cela est friable
étroits sont les vaisseaux
tout cela est
aussi vrai que
étroits sont les vaisseaux
aussi vrai ami(e)
que
si ton cœur un jour est dans l’étau
en fond de cale
à mon tour
je te parlerai
de la mer
des étoiles
Alpha Ursae Minoris, Argo Navis, …
aussi vrai que
étroits sont les vaisseaux
et qu’ils voguent sur les sept mers
et sous toutes les constellations
* "étroits sont les vaisseaux " vers extrait d'Amers de Saint-John Perse
XVII
Pour Sofie
une minéralogie botanique d’un poème
De la poussière
à la poussière
dans la poussière
c’est-à-dire dans la vie
convoquer la sève des pierres
flouer les calcifications geôlières
caresser les pousses d’hier
dans leurs crinières
le poème de demain
XVIII
Pour Signe
elle accoucha du soleil
c’est écrit
il y en aura bien pour y croire
il y en aura bien pour le nier
pour s’en laver les mains
il y en aura pour penser aux cuisses rayonnement d’un bassin
d’autres à la qualité de cette lumière naissante
que serait le plus inverse ?
elle n’accoucha pas de la lumière -du soleil -
la lumière – le soleil - accoucha d’elle
?
l’un dans l’autre une histoire de formes qui s’engendrent
s’épousent
une cosmogonie
un soleil incipit
avec ceci
collage
une chute
d’eau
(lignes de force très claires et irréversibles)
et de reins
(versant alcôve)
un fracas d’embruns
(voltes au sommet de flots torsadés)
et du ciel qui lui sortit de l’embrume des narines
(exhalé presqu’en hors champs)
ou alors avec
cela
collage
le règne du vent
qui ar-que de nouveaux ang/es à tous /es corrrps
or-chestre /a joute des crrrêtes écccumes sur /’oh-ririz-rizon
des envo/ées effr-itées de mousse compacccte du riiivage aux dunes
cing/e abrrrase sab/e de tous ses grrrains
chhhhhhhhhhhhhhhuinte barouffe
jugu/e blanchit les accouphènes mondains
sens sans sangsues sent
…
une cosmogonie
pangée forward-reward
un soleil incipit
des collages de charnières éprouvées par les chairs
par intervalles octaves
une sorte de sel innervant sur
le galop des grandes marées noires célestes
les moissons tardives
les carences en rêve
elle accoucha du soleil
voilà
voilà
rayonnement d’un bassin
lumière naissante
formes
lignes de forces
alcôve
voltes
embrume
vent
joute
le soleil accoucha d’elle
le soleil
soleilsoleilsoleilsoleilsoleilsoleilsoleilsoleilsoleilsoleilsoleilsoleilsoleilsoleilsoleilsoleilsoleilsolsoleilsoleilsoleilsoleilsoleilsol
et à l’aube le poème
XIX
Pour Elfie
XX
Pour Lucie
Le poème central "Miradors , miradors "comporte 9 vers ayant chacun 9 variations possibles.
(illustration :'@ Gulzi)